Concertation et feuille de route

Un projet de loi et des mesures de redressement en juillet

20 avril 2004

Le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy, continue ses auditions : le MEDEF, les présidents des Caisses d’assurance maladie, les syndicats professionnels (médecins, hôpitaux). Des entretiens menés dans l’urgence. Raison donnée : le déficit de l’assurance maladie pourrait atteindre cette année 12 milliards d’euros et non 11 milliards, comme initialement prévu. « Chaque mois gagné nous permettrait de gagner 1 milliard d’euros », se justifie le ministre, qui prévoit une loi en discussion début juillet et des mesures de redressement à la fin juillet...

Dans un entretien accordé aux “Échos” (en date du 19 avril), le ministre de la Santé et de la Protection sociale, Philippe Douste-Blazy, explique ses projets en matière de réforme de l’assurance maladie : "Le système n’est pas piloté, n’est pas gouverné". Il veut donc "confier aux acteurs une délégation élargie dont le contenu est à négocier".
Et parmi ces acteurs, il y a le MEDEF. Le syndicat patronal a fait savoir qu’il ne compte plus s’impliquer dans l’assurance maladie avant que les comptes de celle-ci ne reviennent en équilibre, ce qui est prévu pour 2007.
L’objectif du ministre est de "de mieux définir les responsabilités de l’État, de l’assurance maladie, des professions de santé et des régimes complémentaires". Avec comme fil conducteur : "Dépenser moins pour soigner mieux".
Et le sempiternel leitmotiv : "Le système doit être responsabilisé à chaque niveau (...). Je souhaite que chaque Français prenne conscience du désastre. 12 milliards d’euros de déficit, cela représente plus de 400 euros par foyer et par an". Et de stigmatiser ce déficit à l’Assemblée nationale : "23.000 euros par minute !"
Un déficit dû notamment à certains gaspillages qui ressemblent plutôt à des pillages. Dont profitent notamment les patrons et les actionnaires de l’industrie pharmaceutique. (voir ci-après l’entretien avec Philippe Pignarre, expert de l’industrie pharmaceutique)
Le ministre a précisé sa double démarche : un texte sur l’organisation de la “sécu” d’une part ; et des mesures pour “stopper le déficit”, d’autre part : "Nous devons, dans le même temps, proposer des mesures qui visent à lutter contre certains abus et gaspillages, et proposer avec les professions de santé les bases d’une régulation médicalisée des dépenses", rajoute le ministre.
Même s’il dit ne pas avoir fini ses rencontres, donc ne pas pouvoir dessiner les grands traits, la philosophie est néanmoins posée, et la “feuille de route” tracée.

Vote en juillet

En effet, le ministre a fait savoir qu’il allait dévoiler les grands orientations de sa réforme dans quelques jours, avant fin avril. Dès lors, quel serait l’impact du travail accompli par la mission d’information parlementaire sur l’assurance maladie, une idée lancée par le président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré ?
Car le ministre veut soumettre ses propres orientations aux partenaires sociaux début mai. Quelques jours avant la réunion de la Commission des comptes de la Sécurité sociale qui devrait présenter un bilan. Des chiffres sur lesquels le gouvernement s’appuiera pour présenter plus précisément ses prévisions de déficit de l’assurance maladie pour 2004.
Mi mai, on devrait avoir les premières conclusions de la commission parlementaire.
Puis le ministre devrait présenter un projet de loi en Conseil d’État fin mai pour que les parlementaires entament la discussion sur le dossier début... juillet, le vote pouvant intervenir fin juillet.
Autrement dit, un calendrier extrêmement court, qui suscite déjà bien des interrogations, provoque du scepticisme et engendre des interrogations.
D’autant plus que si le premier “chapitre” du document concerne le schéma de la nouvelle organisation de l’assurance maladie, la deuxième partie, elle, s’occupe des.... mesures de redressement.

Redressement

Un compromis est peut-être possible sur cette première partie, une fois résolue la question : quelles doivent être les responsabilités de l’État, des partenaires sociaux et des complémentaires ?
Mais sur la seconde, les discussions risquent d’être très chaudes. En effet, il va être question de déremboursement, total ou partiel, de taxe, de hausse des cotisations... Et cela pourrait être annoncé... en juillet. En pleine période de vacances...

D. B.


Philippe Pignarre, expert de l’industrie pharmaceutique, en dénonce les méthodes

"Trop d’argent va aux médicaments"

Ancien de l’industrie pharmaceutique - il a été directeur de la communication à Synthélabo pendant dix ans -, Philippe Pignarre est l’auteur d’un ouvrage sur la contribution des laboratoires au déficit de l’assurance-maladie*. Il a confié au quotidien “20 Minutes” son sentiment sur les gaspillages auxquels donne lieu ce secteur économique.

o Dans votre livre, vous parlez surtout de médicaments. Pourquoi ?

Philippe Pignarre : C ’est une question clé. Quand on dit que le déficit de l’assurance-maladie va s’accroître, c’est essentiellement dû au poste des médicaments. Il est en passe d’atteindre le quart des dépenses. Or, on pourrait supprimer le déficit de l’assurance-maladie rien qu’en rationalisant la consommation. Beaucoup trop d’argent va aux médicaments, et pas assez aux hôpitaux, par exemple, ou à la
prise en charge des personnes âgées.

o Pourquoi autant de dépenses ?

- Le corps médical français est un de ceux qui a le moins bien résisté aux discours de l’industrie pharmaceutique, qui est extraordinairement puissante. Il existe ainsi en France une surconsommation de médicaments avec des conséquences dramatiques : 350 hospitalisations par jour et entre 15.000 et 18.000 morts par an ! Dans le passé, le coût était compensé par des prix bas. Mais depuis dix ans, ils ont décollé. C’est désastreux pour le système.

o Pourtant le gouvernement ne rembourse plus certains médicaments...


- Sur ce sujet, je suis pour une commission d’enquête parlementaire. Comment les experts ont-ils pu, depuis trente ou quarante ans, donner et renouveler tous les cinq ans ces autorisations de mise sur le marché ? Ils ont fait rembourser à la collectivité des médicaments dont on nous dit maintenant, la bouche en cœur, qu’ils sont inefficaces !
Si c’est le cas, il faut leur enlever le statut de médicament, et non les faire passer à un taux de remboursement de 35%, afin de faire payer les mutuelles.
J’ai même entendu le ministre dire que certains étaient dangereux. Mais alors il faut les interdire ! Et dans le même temps, on rembourse des médicaments tout aussi inefficaces, mais 35 à 100 fois plus chers. Comme le Glatiramere, contre la sclérose en plaque, autorisé l’année dernière sans dossier clinique convaincant. Vendu par Aventis, il coûte 1.000 euros pour un mois de traitement.

o N ’y a-t-il pas de contrôle ?

- Tout se fait par négociations entre le ministère et les laboratoires pharmaceutiques. Cette culture du secret a un coût très élevé. Au final, on aboutit à des listes complètement hétéroclites. Certains
produits sont inutiles mais d’autres sont efficaces. Simplement, ils ne sont plus protégés par un brevet, donc les laboratoires sont d ’accord
pour les couler. Ils se fichent du médicament “déremboursé” à 5 euros s’ils en ont un autre à 80 euros. Or celui-ci a rarement fait la preuve de sa supériorité, il est peut même être moins efficace que les anciens, dont on connaît mieux les effets secondaires.

*
”Comment sauver (vraiment) la Sécu”, La Découverte, 2003.


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