À propos du nouveau statut de Clipperton fixé par la loi du 21 février 2007 - 1 -

Radioscopie du dernier "territoire résiduel de la République française"

11 juillet 2007, par André Oraison

La ’France du grand large’ est un chantier juridique en pleine effervescence depuis le vote de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, ’relative à l’organisation décentralisée de la République’. Pour l’essentiel, cette importante réforme organise le regroupement de la plupart des collectivités territoriales ultramarines en deux grandes catégories de personnes morales : les traditionnels départements d’outre-mer (DOM) et les nouvelles collectivités d’outre-mer (COM) qui se substituent aux territoires d’outre-mer (TOM). Ces diverses collectivités territoriales sont désormais dotées de compétences accrues et gérées de manière plus démocratique que par le passé.

Dans cette phase de renouveau qui concerne toutes les composantes de la France périphérique, y compris les plus lointaines et les plus modestes sur le double plan démographique et territorial, il convient de mentionner tout particulièrement la loi ordinaire du 21 février 2007. "« Portant dispositions statutaires et institutionnelles (1) Voir l’article 14 de la loi ordinaire n° 2007-224 du 21 février 2007, "portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer", in J.O.R.F., 22 février 2007, p. 3242.
(2) L’îlot doit son nom au flibustier et naturaliste britannique John CLIPPERTON qui, pour certains, l’aperçut et, pour d’autres, l’explora à titre personnel au début du XVIIIe siècle, au cours d’un long périple dans l’océan Pacifique.

relatives à l’outre-mer », ce texte définit notamment la nouvelle organisation administrative et le nouveau régime législatif du récif de Clipperton qui est l’une des quatre possessions de la France dans la région du Pacifique avec la Nouvelle-Calédonie et dépendances, la Polynésie française et le groupe des îles Wallis et Futuna.

Après avoir abrogé, dans son article 14, le décret du 12 juin 1936 qui était relatif au « rattachement de l’île de Clipperton au Gouvernement des établissements français de l’Océanie » - devenus par la suite la Polynésie française - et dont la rédaction d’origine était devenue au fil du temps obsolète, la loi du 21 février 2007 a pris une mesure radicale et pour le moins surprenante. Elle décide que le récif de Clipperton est désormais régi par la loi du 6 août 1955 fixant le statut des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), mais actualisée et rebaptisée pour la circonstance : « Loi portant statut des Terres australes et antarctiques françaises et de l’île de Clipperton ». En vertu de l’article 9 de ce dernier texte législatif, ainsi mis à jour sous un titre II, intitulé "Statut de l’île de Clipperton", deux décisions principales ont été adoptées. D’abord, "L’île de Clipperton est placée sous l’autorité directe du Gouvernement" (alinéa 1er). Ensuite, « Les lois et règlements sont applicables de plein droit dans l’île de Clipperton » (alinéa 3) (1).

Avant de présenter le nouveau statut interne de cet îlot qui fait partie du domaine public de l’État depuis 1986, il importe de le présenter sur le plan physique. Français depuis sa prise de possession officielle, réalisée le 17 novembre 1858, ce récif est ancré aux confins du Pacifique, face à isthme de Panama. Il émerge par 10° 17’ 31" de latitude Nord et 109° 12’ 25" de longitude Ouest, soit à un peu plus de 6 000 kilomètres dans le nord-est de Tahiti - l’île principale de l’archipel de la Société et de la Polynésie française - et à moins de 1 300 kilomètres au large de la côte occidentale du Mexique.

Protégé de l’océan par une barrière de corail et comportant un vaste lagon intérieur, étendu sur 4 kilomètres carrés et totalement isolé de l’océan, Clipperton se présente comme un paradis pour la flore et la faune locales. Cette bande de terre étroite - un anneau corallien d’une douzaine de kilomètres de circonférence et de 50 à 400 mètres de large au maximum - est couverte par quelques centaines de cocotiers et palmiers et abrite d’importantes colonies de crabes, de lézards et d’oiseaux marins. Ainsi décrit, le récif ne peut offrir que des avantages très limités en raison de son isolement, de son approche difficile et de ses dimensions dérisoires : à peine 6 kilomètres carrés (lagon intérieur compris).

Privé de populations humaines sédentaires, ce territoire de 2 kilomètres carrés de terres émergées ne présente en soi aucun intérêt économique direct. D’abord, par manque d’eau douce, il est impropre aux activités agricoles, pastorales et forestières. De surcroît, son sous-sol ne renferme - à notre connaissance - aucune richesse particulière susceptible d’attirer les convoitises, à l’exception toutefois du guano qui fut exploité par des Mexicains, à la fin du XIXe et au début du XXe, jusqu’en 1917.

En revanche, les eaux ceinturant le récif madréporique sont particulièrement riches en ressources naturelles biologiques et tout particulièrement en thonidés. Faut-il à l’occasion rappeler que dans le cadre du nouveau droit international coutumier de la mer, désormais codifié par la Convention de Montego Bay du 10 décembre 1982, Clipperton permet à la France de disposer d’une vaste zone économique exclusive que l’on peut évaluer à 425 220 kilomètres carrés, soit une superficie égale à près de 80% du territoire terrestre métropolitain de la République française. Il faut par ailleurs mettre ici en exergue l’utilité de Clipperton dans le domaine de l’observation météorologique. En effet, une station automatique a été installée sur le récif et fonctionne en permanence depuis le 7 avril 1980 (2).

C’est dans ce contexte bien délimité qu’il importe de connaître le statut interne du récif de Clipperton qui vient d’être actualisé par la loi ordinaire du 21 février 2007 dans son article 14. En quoi est-il spécifique par rapport à celui des autres dépendances françaises ultramarines ? Quelles autorités administratives sont compétentes pour administrer ce confetti de l’Empire ? Quels sont les textes législatifs et réglementaires applicables à Clipperton ainsi que les juridictions compétentes pour trancher les conflits pouvant surgir sur le récif ? C’est à ces questions que nous devons répondre en analysant tour à tour l’organisation administrative de Clipperton (I) et son régime législatif (II).

(à suivre)

André Oraison
Professeur de Droit public à l’Université de La Réunion
(Université Française et Européenne de l’Océan Indien).

(1) Voir l’article 14 de la loi ordinaire n° 2007-224 du 21 février 2007, "portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer", in J.O.R.F., 22 février 2007, p. 3242.
(2) L’îlot doit son nom au flibustier et naturaliste britannique John CLIPPERTON qui, pour certains, l’aperçut et, pour d’autres, l’explora à titre personnel au début du XVIIIe siècle, au cours d’un long périple dans l’océan Pacifique.


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