Conférence d’André Oraison – 2 -

I.- La nécessité de la fusion de la région et du département de La Réunion

26 février 2014, par André Oraison

Après l’introduction hier, nous publions aujourd’hui le début du chapitre 1 du texte que nous a transmis André Oraison, Professeur des Universités, sur la conférence qu’il a tenue le mercredi 19 février dernier à Lespas Leconte de Lisle de Saint-Paul sur le thème : ’La substitution du département et de la région de La Réunion par une collectivité territoriale unique : pourquoi et comment ?’. Dans son introduction, l’auteur a présenté les ’scénarios catastrophes » et les « scénarios acceptables’ à mettre en œuvre à La Réunion dans le cadre de « l’Acte III de la décentralisation ». Et parmi ces derniers, il nous présente aujourd’hui « la nécessité de la fusion de la région et du département de La Réunion ». Voici ce texte.

En vérité, la question de la fusion de ces deux collectivités n’est ni nouvelle ni récente : elle a en effet surgi au lendemain de l’élection de François Mitterrand à la magistrature suprême, le 10 mai 1981. Pour réaliser le programme de décentralisation du Président de la République qui prévoit la création de nouvelles collectivités de plein exercice avec les régions, une loi du 2 mars 1982 se prononce en faveur d’une adaptation de la réforme régionale dans les DOM afin de répondre à leur situation particulière.

Dans cette perspective, un projet de loi voté le 23 novembre 1982 et portant adaptation de la loi du 2 mars 1982 dans les DOM indiquait : « La Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion recouvrent chacune deux collectivités territoriales distinctes, un département et une région, qui sont régies par le droit commun sous réserve des dispositions de la présente loi » (article 2). Ainsi, tout en maintenant le département, la loi créait la région dans chaque DOM, dont le territoire aurait servi d’assise à deux collectivités territoriales.

Mais pour tenir compte de leurs spécificités, son article 3 précisait : « Les affaires de ces collectivités sont réglées par les délibérations d’une assemblée, dénommée conseil général et régional, qui exerce les compétences des conseils généraux et des conseils régionaux en siégeant tantôt comme organe du département, tantôt comme organe de la région ». Ce projet permettait d’éviter les incohérences susceptibles de naître de l’application pure et simple de la réforme statuaire réalisée par la loi du 2 mars 1982 dans les départements d’outre-mer.

Cependant, ce texte législatif a été déclaré « non conforme » à la Constitution par le Conseil constitutionnel. Dans leur décision du 2 décembre 1982, les Sages ont jugé que ses dispositions « vont au-delà des mesures d’adaptation que l’article 73 de la Constitution autorise en ce qui concerne l’organisation des départements d’outre-mer ».

Le Gouvernement socialiste de Pierre Mauroy a alors fait adopter la loi de décentralisation du 31 décembre 1982, portant organisation des régions d’outre-mer. Cette loi applique désormais à la lettre le droit commun dans les DOM en reconnaissant dans chacun d’entre eux l’existence de deux collectivités territoriales — la région et le département — dotées chacune d’un pouvoir exécutif et d’une assemblée délibérante. Mais la coexistence à La Réunion de deux collectivités publiques pour régler les affaires de la même population et sur le même territoire a fait l’objet de critiques.

Il est vrai que leur remplacement par une collectivité territoriale unique peut être aisément justifié (A). Une telle réforme structurelle présente par ailleurs plusieurs avantages (B).

A.- Le fondement de la fusion de la région et du département.

La réforme proposée dans cette étude repose sur un constat navrant. Au cours des violences urbaines qui ont embrasé en 2012 les grandes communes de l’île, la région administrée par Didier Robert (UMP) et le département géré par Nassimah Dindar (MoDem) semblent avoir été dépassés par les événements alors même que les réponses à apporter à ce genre de crise implique leur participation immédiate et concertée avec l’État.

Le problème est d’autant plus complexe que ces deux collectivités territoriales n’ont pas la même sensibilité politique. Les desiderata de la région et du département de La Réunion deviennent alors quasiment inaudibles auprès des instances nationales compétentes : Gouvernement et administration centrale. C’était le cas en février 2012. Dès lors, un diagnostic critique apparaît utile. Le voici.

A priori, l’exigence d’une bonne administration des services publics s’oppose à ce que deux collectivités territoriales distinctes exercent des compétences à l’égard de la même communauté humaine et dans les mêmes limites territoriales. On peut même encore être plus radical dans la critique à l’égard de cette incohérente architecture mise en œuvre par la loi de décentralisation du 31 décembre 1982 dans les seuls DOM. 

Sur un plan purement conceptuel, la coexistence de deux pouvoirs exécutifs et de deux assemblées délibérantes sur la même aire géographique et visant le même groupement humain est une aberration institutionnelle. À la limite, on doit la considérer comme un « pur non-sens », dès lors qu’une telle coexistence comporte toujours des « risques d’incertitude, de double emploi, de dilution des responsabilités et de conflits d’attributions ». C’est le diagnostic avisé qui avait été établi, dès 1983, par le professeur François Luchaire, un éminent spécialiste du droit de l’outre-mer.

La cohabitation de la région et du département d’outre-mer risque ainsi d’être une pomme de discorde durable entre le conseil régional et le conseil général, tout en étant par ailleurs une source de gaspillage des deniers publics. Or, ces deniers doivent être utilisés avec parcimonie en période de crise majeure comme aujourd’hui c’est le cas à La Réunion. Une île caractérisée, de surcroît, par l’étroitesse de son assise territoriale (2.512 kilomètres carrés) et la faiblesse numérique de sa population (850.000 habitants).

C’est dire que la cohabitation introduite par la loi de décentralisation du 31 décembre 1982, à titre de « pis-aller », est pénalisante pour les Réunionnais. Dans la mesure où elle ne prend pas en considération leurs spécificités, il faut la dénoncer comme l’a déjà fait le sénateur Paul Vergès, le 4 octobre 2012. Dès lors, il est impératif de remplacer la région et le département de La Réunion par une collectivité unique. La réforme est d’autant plus nécessaire qu’elle présente certains avantages (B).

 (à suivre) 


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