Conférence d’André Oraison

La substitution du département et de la région de La Réunion par une collectivité territoriale unique : pourquoi et comment ? - 1 -

25 février 2014, par André Oraison

Nous commençons aujourd’hui la publication du texte intégral que nous a transmis André Oraison, Professeur des Universités (enseignant en droit public à l’Université de La Réunion de 1967 à 2008), sur la conférence qu’il a tenue le mercredi 19 février dernier à Lespas Leconte de Lisle de Saint-Paul à l’invitation des Amis de l’Université sur le thème : « La substitution du département et de la région de La Réunion par une collectivité territoriale unique : pourquoi et comment ? ». Voici donc l’introduction de ce texte.

Avec Paul Vergès, sénateur PCR, et malgré le refus des autres partis politiques locaux, nous pensons que la création d’une collectivité territoriale unique se substituant à la région et au département est une réforme nécessaire et urgente à La Réunion. Depuis plusieurs années, des clignotants sont allumés et peuvent expliquer, sans pour autant les légitimer, les violences urbaines qui perturbent l’île depuis février 2012.

De fait, certains chiffres sont inquiétants. Il y a un pourcentage deux fois plus important de chômeurs à La Réunion qu’en Métropole : 180.000 Réunionnais sont inscrits à Pôle emploi et cherchent du travail, soit 30% de la population en âge de travailler. 45% des Réunionnais vivent au-dessous du seuil de pauvreté avec moins de 964 euros par mois. Il y a aussi le coût de l’existence qui ne cesse de progresser : la vie est de 30 à 40% plus chère ici qu’en Métropole.

Quelle direction ?

Prises dans l’urgence, certaines solutions sont entrées en vigueur, dès le 1er mars 2012 : ainsi le gel provisoire des prix de 60 articles de première nécessité dans les grandes surfaces. Mais d’autres solutions ont été envisagées : prime de vie chère de 200 euros versée par l’État aux familles les plus démunies proposée par le PCR, suppression de la surrémunération accordée aux fonctionnaires en poste à La Réunion ou réforme de l’octroi de mer.

En raison de la gravité de la situation, une loi contre la vie chère dans les collectivités ultramarines a été adoptée en urgence par le Parlement, dès le 20 novembre 2012. En vérité, aucune contribution ne saurait être écartée, notamment au plan statutaire.

À la veille de l’Acte III de la décentralisation, les cas de la Guyane et de la Martinique sont significatifs : dans chacun de ces DOM, une collectivité unique doit se substituer à la région et au département afin de permettre à la nouvelle entité d’agir avec une plus grande visibilité. Devons-nous aller dans la même direction à La Réunion ?

Certes, plusieurs scénarios sont compatibles avec la Constitution de la Ve République. Encore convient-il de distinguer les scénarios acceptables et les scénarios catastrophes.

Les scénarios catastrophes

Le scénario de l’indépendance est défendu par des groupuscules, à l’instar du Mouvement pour l’Indépendance de La Réunion. Mais il ne peut être réalisé qu’à la suite d’un scrutin d’autodétermination des Réunionnais prévu par l’article 53 de la Constitution du 4 octobre 1958. Ce scénario apocalyptique — scénario Frankenstein au sens où l’entend notre éminent collègue Mathieu Maisonneuve — serait rejeté par les Réunionnais qui ne veulent surtout pas jouer à la roulette russe.

Plus soft, le scénario de l’autonomie consiste à faire passer La Réunion du statut de DOM, soumis au principe de l’identité législative en vertu de l’article 73 de la Constitution, à celui de collectivité d’outre-mer dotée de l’autonomie et assujettie au principe de la spécificité législative en vertu de son article 74. Par la voie référendaire, La Réunion pourrait alors être amenée à se prononcer sur un régime voisin de celui attribué en 2004 à la Polynésie française.

Certes, ce statut reconnaît un droit à la « préférence régionale » en matière d’emploi. Mais il implique la remise en cause de la plupart des acquis sociaux découlant de la départementalisation ainsi que la perte du statut de région ultrapériphérique de l’Union européenne. Comme l’ont déjà fait les Guyanais et les Martiniquais par des consultations populaires en 2010, les Réunionnais rejetteraient également un tel statut qui est en fait l’antichambre de l’indépendance.

Le scénario de l’inertie statutaire consiste enfin à ne rien faire au motif que la crise que connaît La Réunion est passagère et que tout devrait spontanément rentrer dans l’ordre dans quelques années. Mais ne rien faire au plan institutionnel alors que la situation s’aggrave, c’est programmer l’implosion de La Réunion. Voici peut-être le pire des scénarios catastrophes.

Les scénarios acceptables

Proposé par Didier Robert, le premier des scénario acceptables vise à renforcer les pouvoirs des collectivités territoriales existantes. Certes, le Président UMP du conseil régional de La Réunion ne remet pas en cause l’architecture statutaire qui remonte à la loi de décentralisation du 31 décembre 1982.

Favorable au maintien de la région et du département, il souhaite néanmoins des pouvoirs accrus pour ces collectivités et des moyens financiers correspondants. Voici son crédo : « Le statu quo me convient, avec un conseil régional et un conseil général, mais ce qu’il faut revoir, c’est le niveau de compétences des uns et des autres ».

Ce scénario est en phase avec l’actualité au moment où le Gouvernement socialiste de Jean-Marc Ayrault envisage une décentralisation adaptée pour les collectivités territoriales avec un réaménagement des compétences dévolues aux conseils régionaux et aux conseils généraux dont l’existence n’est pas remise en cause.

Le second scénario acceptable vise à remplacer la région et le département de La Réunion par une entité unique soumise au principe de l’identité législative applicable dans les DOM en vertu de l’article 73 de la Constitution mais cumulant les compétences des départements et des régions d’outre-mer. Ce scénario peut être amélioré par la suppression de l’alinéa 5 de l’article 73 qui empêche La Réunion de disposer d’un pouvoir législatif et règlementaire par habilitation du Parlement ou du Gouvernement.

 (à suivre)
 


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