Conférence d’André Oraison – 4 -

Le processus de la fusion de la région et du département de La Réunion

1er mars 2014, par André Oraison

Après l’introduction puis les deux parties du chapitre 1 que nous avons publiées dans les trois dernières éditions de « Témoignages », nous continuons à publier le texte que nous a transmis André Oraison, Professeur des Universités, sur la conférence qu’il a tenue le mercredi 19 février dernier à Lespas Leconte de Lisle de Saint-Paul sur le thème : « La substitution du département et de la région de La Réunion par une collectivité territoriale unique : pourquoi et comment ? ». Voici donc le chapitre 2, intitulé : « Le processus de la fusion de la région et du département de La Réunion ».

La réforme statutaire suggérée ne soulève aucune difficulté au plan juridique : elle est en effet prévue par la Constitution en vertu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, « relative à l’organisation décentralisée de la République ». Elle est en outre compatible avec la loi du 19 mars 1946, qui institue la départementalisation dans les 4 « vieilles » : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion.
Cette réforme ne remet en cause ni les avantages sociaux découlant de la départementalisation ni le principe de l’identité législative applicable dans les DOM en vertu de la Constitution du 27 octobre 1946. Elle ne porte pas davantage atteinte à son statut privilégié de région ultrapériphérique de l’Union européenne.
Si la réforme est simple à mettre en œuvre dans les DOM en général (voir ci-après la partie A de ce second chapitre), il existe toutefois une spécificité concernant La Réunion, qui résulte de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003. Cette spécificité doit être prise en compte, si l’on veut doter La Réunion d’une entité unique et efficiente (voir la partie B du chapitre 2).

A.- Le processus simplifié pour réaliser la fusion de la région et du département.

Une réforme statutaire simplifiée peut déjà être envisagée à La Réunion sur la base de l’article 73 de la Constitution, qui prévoit dans son alinéa 7 « la création par la loi d’une collectivité se substituant à un département et une région d’outre-mer ». Mais cet article 73 souligne que cette réforme ne peut être réalisée qu’après accord des populations locales.
Dans un alinéa 2, l’article 72-4 de la Constitution précise que l’accord est toujours donné par la voie de la consultation populaire : « Le Président de la République, sur proposition du Gouvernement pendant la durée des sessions ou sur proposition conjointe des deux assemblées … peut décider de consulter les électeurs d’une collectivité territoriale située outre-mer sur une question relative à son organisation, à ses compétences ou à son régime législatif ».

Mais le Gouvernement ne pourra faire des propositions au Président qu’après avoir obtenu le « feu vert » des élus des collectivités intéressées par la réforme statutaire. Dans cette optique, une loi du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer (LOOM) avait en quelque sorte anticipé le souhait du Constituant de 2003.
Son article 62 crée en effet une nouvelle structure dans les régions ultramarines comprenant un seul département : il s’agit du « congrès des élus départementaux et régionaux composé des conseillers généraux et des conseillers régionaux » et habilité pour délibérer sur « toute proposition d’évolution institutionnelle ». Cette nouvelle institution a aussitôt été mise à contribution en Guyane, en Guadeloupe et en Martinique en 2001 et 2002 ; et — chaque fois — le congrès s’est prononcé pour le remplacement de la région et du département par une collectivité territoriale unique.

Certes, la LOOM précise qu’elle n’est pas applicable au plan statutaire à La Réunion, dès lors que les élus de cette collectivité se déclarent attachés « à ce que l’organisation de leur île s’inscrive dans le droit commun ». Autant dire que l’institution du congrès n’existe pas à La Réunion.
Cependant, rien n’empêche le Gouvernement de demander le « feu vert », à titre informel, aux assemblées délibérantes de la région et du département de La Réunion. Mais en cas de contradiction entre le vote du conseil régional et celui du conseil général, le Président de la République ne pourrait-il pas prendre lui-même l’initiative de consulter directement les Réunionnais afin de débloquer la situation ?
Proposée par le PCR, cette possibilité n’est pas à exclure, même elle est rejetée par l’ancien sénateur socialiste Albert Ramassamy. Rendue possible par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, la réforme qui vise à remplacer à La Réunion la région et le département par une collectivité territoriale unique n’est donc pas révolutionnaire. Mais elle n’est pas davantage hypothétique dans la mesure où une telle réforme a déjà été engagée avec succès à trois reprises : d’abord à Mayotte, puis en Guyane et en Martinique.

La réforme a d’abord été concrétisée à Mayotte par référendum en vertu de l’alinéa 1er de l’article 72-4 de la Constitution, seul applicable dans l’hypothèse de la transformation d’une collectivité d’outre-mer (COM) en département d’outre-mer (DOM) ou vice-versa. Le 29 mars 2009, les Mahorais avaient le choix entre le statut de COM octroyé par la loi organique du 21 février 2007 et le statut de DOM revendiqué depuis 1958. Or, ils ont approuvé à 95% des votants la création d’une nouvelle collectivité territoriale.
C’est en droit la première région monodépartementale ultramarine administrée par un organe exécutif unique et une seule assemblée délibérante en vertu de la loi organique du 3 août 2009, ainsi rédigée dans son article 63 : « La collectivité départementale de Mayotte est érigée en une collectivité régie par l’article 73 de la Constitution, qui prend le nom de « Département de Mayotte » et exerce les compétences dévolues aux départements d’outre-mer et aux régions d’outre-mer ». Le statut de la nouvelle collectivité territoriale ultramarine est désormais établi par la loi du 7 décembre 2010.

La voie royale tracée par les Mahorais a aussitôt été suivie par les Guyanais et les Martiniquais. Lors des consultations populaires programmées le 10 janvier 2010 conformément à l’article 72-4, alinéa 1er, de la Constitution, Guyanais et Martiniquais avaient, certes, refusé d’abandonner le statut de DOM pour celui de COM. 
Par peur de perdre les acquis sociaux résultant de la départementalisation, ils avaient massivement refusé de s’orienter sur la voie de l’autonomie interne régie par l’article 74 de la Constitution. Mais les Guyanais et les Martiniquais se sont ensuite prononcés, à des majorités substantielles, par application des articles 72-4, alinéa 2, et 73, alinéa 7, de la Constitution, en faveur de la création d’une collectivité territoriale unique, lors des consultations populaires du 24 janvier 2010.

Le statut des deux nouvelles collectivités uniques est désormais fixé par la loi du 27 juillet 2011, relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, qui insère dans le Code général des collectivités territoriales de nouveaux articles. À titre d’exemple, voici le texte relatif à la Guyane : « La Guyane constitue une collectivité territoriale de la République régie par l’article 73 de la Constitution qui exerce les compétences attribuées à un département d’outre-mer et à une région d’outre-mer et toutes les compétences qui lui sont dévolues par la loi pour tenir compte de ses caractéristiques et contraintes particulières ».
Si Mayotte est déjà dotée d’une collectivité territoriale unique depuis le jeudi 31 mars 2011 pour exercer toutes les compétences dévolues à un département et à une région d’outre-mer, la Guyane et la Martinique bénéficieront effectivement, à leur tour, d’une collectivité territoriale unique au lendemain des élections locales programmées en mars 2015.

 (à suivre) 


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