Libre opinion de André Oraison*

Les caractéristiques essentielles de la Constitution de l’Union des Comores

1er août 2005, par André Oraison

Dans une tribune libre ci-après, le professeur André Oraison nous propose des “réflexions générales sur la mise en place des institutions de l’Union des Comores créée par la Charte fondamentale du 23 décembre 2001” et sur “l’avènement d’un régime présidentiel dans le cadre d’une Constitution de type fédéral”.

(Pages 6 et 7)

Quel destin pour les "îles de la Lune" - autre nom donné à l’archipel des Comores - situées à 200 kilomètres au Nord-Ouest de Madagascar, étendues sur 1.870 kilomètres carrés, peuplées par 630.000 habitants d’origine africaine, de religion musulmane à près de 100% et soumis au droit coranique. Après la signature de l’Accord de Fomboni du 17 février 2001 qui scelle la réconciliation entre les responsables des trois îles comoriennes et après l’adoption de la nouvelle Constitution du 23 décembre 2001, peut-on enfin espérer un avènement durable de l’État de droit dans ce pays ? Sur le plan politique et juridique, une double question élémentaire qui résument en fait les précédentes mérite ici de retenir notre attention : pourquoi et comment s’est opéré le passage de la “République fédérale islamique des Comores”, créée en 1978, à l’“Union des Comores”, établie en 2001 ?

D’emblée, il faut partir d’un constat. Au regard de la Communauté internationale, la République des Comores a toujours eu mauvaise presse. Il en est ainsi depuis sa naissance lors de l’accession à la souveraineté de l’archipel, proclamée par le Président Ahmed Abdallah le 6 juillet 1975, jusqu’à sa disparition le 30 avril 1999. Dans l’opinion publique, les Comores indépendantes sont synonymes de "République bananière", d’assassinats de Présidents de la République (c’est le cas avec certitude pour Ali Soilih le 29 mai 1978 et pour Ahmed Abdallah le 26 novembre 1989), de complots et de coups d’Etat à répétition, réussis ou non et organisés avec ou sans la participation des mercenaires de Bob Denard ! Les Comores indépendantes sont synonymes d’arbitraire du Pouvoir central, d’instabilité politique chronique, de violation permanente du droit d’expression et notamment d’atteinte à la liberté de la presse, de sous-développement économique, d’absence de programme sanitaire, social et culturel, de corruption généralisée ou encore de gaspillage des deniers publics érigés en méthode de gouvernement.

I. Les causes de la crise politique dans le cadre de la République fédérale islamique des Comores

Parmi les éléments à prendre en considération pour bien comprendre la situation présente aux Comores, il faut d’abord mentionner le contentieux franco-comorien sur Mayotte qui remonte à l’accession à l’indépendance des "îles de la Lune" et que la République fédérale islamique des Comores n’a jamais pu résoudre. Vieux d’une génération d’histoire, ce litige semble par ailleurs appelé à perdurer pour une période indéterminée. Il en est ainsi dans la mesure où les Mahorais n’ont pas l’intention de réintégrer le giron comorien pour des raisons d’ordre politique, économique, social et culturel. Au demeurant, la loi du 11 juillet 2001, relative à Mayotte, transforme, pour une période transitoire de dix ans, la "collectivité territoriale de Mayotte" créée par la loi du 24 décembre 1976 en "collectivité départementale de Mayotte" sur la base de l’article 72 de la Constitution de la 5ème République, après accord des populations locales, donné lors de la consultation du 2 juillet 2000. De surcroît, cette loi prévoit qu’“à l’horizon 2010”, un nouveau scrutin d’autodétermination interne pourra être organisé à Mayotte pour permettre à sa population d’opter pour le statut de D.O.M., revendiqué par les élites mahoraises depuis le 2 novembre 1958 !

Parmi les autres coordonnées paramétriques à prendre en considération pour comprendre le passage de la République fédérale islamique des Comores à l’Union des Comores en 2001, il faut en second lieu savoir que le Gouvernement central comorien a été confronté à des tentatives répétées de sécession, dont la plus importante et la plus durable à ce jour a été celle de l’île d’Anjouan, pratiquement de 1997 à 2001. Comme la Ligue des États Arabes (L.E.A.) et l’O.U.A., l’Organisation des Nations unies a par ailleurs formellement interdit à tous les membres de la Communauté internationale de reconnaître le "soi-disant État indépendant d’Anjouan", quand bien même ce dernier dispose des trois éléments constitutifs de l’État : territoire, population, gouvernement.

Coup d’État à Moroni

Pour comprendre l’évolution récente de la situation politique et juridique dans l’archipel des Comores, il faut prendre en compte un autre élément qui est le dernier coup d’État réussi à Moroni. Celui-ci a eu lieu lorsque le pays est tombé sous la coupe d’une junte militaire dirigée par le colonel Azali Assoumani. Officiellement, cet officier de l’armée comorienne a pris le pouvoir le 30 avril 1999 en vue d’assainir la situation sur le plan socio-économique, et de résoudre au niveau politique la sécession anjouanaise de 1997 ! Contrairement aux précédents, ce dernier putsch en date a eu des conséquences très importantes puisqu’il s’est traduit par la dissolution des institutions démocratiques qui existaient depuis 1978 et donc, en fait, par la disparition de la République fédérale islamique des Comores. Pour cette raison, le coup d’État a été immédiatement condamné par la Communauté internationale et d’abord par les Nations unies et l’O.U.A. Manifestement, les premières tentatives de réconciliation inter-comoriennes destinées à mettre un terme à la seconde balkanisation de l’archipel des Comores commençaient sous de mauvais hospices.

Pour asseoir sa crédibilité au sein des différentes instances politiques de l’archipel comme sur la scène internationale, le nouveau Gouvernement de Moroni avait intérêt à mettre en œuvre le plus tôt possible des mécanismes appropriés pour favoriser la "transition démocratique" aux Comores. Il avait également intérêt à favoriser l’instauration d’une forme de fédéralisme dans "l’Archipel aux parfums", impliquant notamment un Parlement capable d’assurer à la fois la représentation des circonscriptions électorales en fonction de leur importance démographique et celle des États membres sur un strict pied égalité. De même, dans le cadre d’une architecture de type fédéral, le Gouvernement central avait intérêt à reconnaître une très large autonomie aux trois entités fédérées existantes - Anjouan, Grande-Comore et Mohéli - dans un grand nombre de domaines.

Pour assurer la réintégration d’Anjouan dans le giron comorien, le colonel Azali a d’abord tenté de faire appliquer un accord conclu à Antananarivo le 23 avril 1999. Cet Accord se présentait comme un accord de réconciliation des autorités comoriennes avec les autorités séparatistes anjouanaises et avec celles de Mohéli. Cependant, il n’avait été signé que par les responsables de la Grande-Comore et ceux de Mohéli. Pour leur part, les responsables de Mutsamudu avaient déclaré vouloir s’en remettre à la volonté des Anjouanais, exprimée par la voix du référendum, avant de signer l’Accord d’Antananarivo. Mais après la consultation organisée par les autorités anjouanaises le 23 janvier 2000 qui a abouti au rejet massif (94,47% des suffrages exprimés) de l’Accord d’Antananarivo du 23 avril 1999 et à la mise en place de nouvelles institutions dans le cadre d’un État anjouanais indépendant, l’O.U.A. avait réagi. À titre de sanction, elle a établi un embargo sur les carburants, les denrées alimentaires, les communications maritimes et aériennes ainsi que sur les télécommunications, à partir du 21 mars 2000 et pour une durée indéterminée. De fait, ce blocus a surtout eu pour effet de pénaliser les populations civiles du nouvel État qui ont été de plus en plus poussées à l’émigration clandestine à destination de Mayotte, sur de simples pirogues (les "kwassa-kwassa"), c’est-à-dire dans des conditions périlleuses. Par ailleurs, à plusieurs reprises, les instances dirigeantes de l’Organisation panafricaine ont également brandi la menace d’une intervention militaire à Anjouan pour rétablir, au besoin par la force, l’unité politique et juridique des Comores.

Encourager les démarches

Dans le respect du principe de l’intangibilité des frontières des États issus de la décolonisation, la Communauté internationale ne pouvait qu’encourager les démarches visant à assurer la réintégration d’Anjouan dans le cadre d’un État fédéral comorien. C’est la raison pour laquelle elle s’est au départ prononcée contre la "Déclaration de Fomboni" - chef-lieu de Mohéli - signée le 26 août 2000 par le chef du pouvoir militaire en place à Moroni, le colonel Azali Assoumani, et le chef des autorités séparatistes anjouanaises, le lieutenant-colonel Saïd Abeid Abdéramane. Ce nouvel accord de réconciliation prévoyait, d’une manière évasive, la création d’un "nouvel ensemble comorien" comprenant les îles d’Anjouan, de la Grande-Comore et de Mohéli et ayant des compétences bien délimitées dans les domaines des affaires étrangères, de la défense, de la monnaie, de la nationalité et de la religion. Pour le reste, chaque île se voyait reconnaître une très grande autonomie pour régler ses problèmes. Pour autant, la nature des relations entre le Pouvoir central fixé à Moroni et les séparatistes anjouanais n’était pas clairement établie. Cependant, au terme d’une période de transition d’une année, les populations locales insulaires devaient être appelées à se prononcer par référendum pour adopter une nouvelle constitution des Comores.

Dès le 24 août 2000, les instances compétentes de l’O.U.A. ont considéré que la Déclaration de Fomboni - elle sera signée deux jours plus tard ! - est en contradiction avec l’Accord d’Antananarivo du 23 avril 1999. Elles ont précisé qu’une telle Déclaration "sape l’unité et l’intégrité territoriale des Comores", dès lors qu’elle tend à remplacer de facto la République fédérale islamique des Comores existante - créée en 1978 et reconnue en tant que telle par la Communauté internationale - par une confédération d’États quasiment indépendants les uns des autres. Aussi a-t-elle maintenu ses pressions sur les autorités sécessionnistes anjouanaises et notamment sa politique d’embargo économique ainsi que ses menaces d’intervention militaire contre "l’île Rebelle".

Mais ces menaces se sont dissipées et l’embargo décrété contre Anjouan a été suspendu dix jours après la signature à Fomboni d’un nouvel accord-cadre de réconciliation comorienne. L’Accord de Fomboni a été conclu le 17 février 2001 par le Gouvernement Moroni du colonel Azali, les autorités politiques de Mohéli et les séparatistes anjouanaises, en présence, cette fois-ci, de représentants de l’O.U.A. C’est dire que ce dernier arrangement a été bien accueilli par la Communauté internationale. Concrètement, l’O.U.A. a décidé de suspendre puis de lever, à partir du 7 juillet 2001, l’embargo qu’elle avait décrété contre Anjouan, le 21 mars 2000. L’Accord de Fomboni vise à assurer une réconciliation nationale dans l’archipel en mettant fin à la double crise comorienne : la crise caractérisée par le combat des autorités sécessionnistes de Mutsamudu qui existait depuis le 3 août 1997 et la crise institutionnelle qui a éclaté après la prise du pouvoir à Moroni le 30 avril 1999 par une junte militaire placée sous les ordres du colonel Azali. Plus précisément, l’Accord a pour but de réintégrer Anjouan dans un nouvel ensemble institutionnel de type fédéral et présidentiel tout en attribuant une très large autonomie à chaque île et en restaurant le pouvoir civil ainsi que la démocratie, grâce à des élections libres à tous les niveaux.

II. Les lignes directrices de la Constitution de l’Union des Comores du 23 décembre 2001 : un régime présidentiel consacré par une charte de type fédéral


Un projet de constitution a été élaboré au cours de l’année 2001 par les autorités politiques des trois îles. Ce projet prévoit la réconciliation de la Grande-Comore avec Anjouan et Mohéli dans le cadre d’une nouvelle entité de type fédéral appelée "Union des Comores". Le dernier article du projet de constitution - l’article 40 - précisait que la nouvelle Constitution devait être adoptée par la "voie référendaire". Un référendum constitutionnel a donc été organisé dans les trois îles Comores le 23 décembre 2001. Le "oui" en faveur de la nouvelle Constitution l’a emporté à une très large majorité avec 76,99% des suffrages exprimés contre 23,01% au "non". Par ailleurs, le taux de participation à la consultation populaire a été relativement élevé puisqu’il a atteint 75,37%.

La Constitution adoptée le 23 décembre 2001 fait de l’Union des Comores une République de type fédéral composée des Iles autonomes de N’Dzuwani (Anjouan), de N’Gazidja, (Grande-Comore) de Mwali (Mohéli) et de Maoré (Mayotte) et dont les langues officielles sont le shikomore - langue nationale - l’arabe et le français (article 1er). Dans son préambule, la nouvelle Constitution proclame "la solidarité entre l’Union des Comores et les îles" ainsi que "l’égalité des îles en droits et en devoirs". Elle dispose que "la souveraineté appartient au peuple qui l’exerce, dans chaque île et dans l’ensemble de l’Union, par ses représentants élus ou par la voie du référendum" (article 3).

La nouvelle Constitution tranche par ailleurs l’épineuse question des compétences respectives de l’Union et des îles. Les autorités fédérales ont désormais une compétence d’attribution dans les domaines régaliens traditionnels de la défense, de la monnaie, de la nationalité, des relations extérieures, de la religion et des "symboles nationaux" (article 9). Pour le reste, chacune des îles dispose - comme elles l’avaient souhaitée - d’une large autonomie. Comme toute entité fédérée, chaque composante établit librement sa propre "Loi fondamentale" dans le respect de la Constitution de l’Union. La Charte suprême précise que "les Îles comprennent un Exécutif et une assemblée élue ainsi que des collectivités territoriales dotées d’un organe délibérant et d’un organe exécutif élus" (article 7). Chaque composante se voit également reconnaître une compétence de droit commun pour gérer librement ses propres affaires et promouvoir son développement socio-économique. Cependant, la Constitution prévoit, dans son article 9, la possibilité d’une "compétence partagée de l’Union et des Iles" dans certaines matières. Quant aux institutions spécifiques de l’Union des Comores, des précisions sont données concernant les trois pouvoirs - exécutif, législatif, judiciaire - qui sont entièrement séparés, comme c’est le cas dans un régime présidentiel.

Symbole de l’unité nationale

La Constitution attribue en premier lieu le pouvoir exécutif à un Président qui est "le symbole de l’unité nationale" et assure le fonctionnement régulier des institutions. Le Président détermine et conduit la politique étrangère du pays et "assure la plus haute représentation de l’Union dans les relations internationales". Il négocie et ratifie les traités. Il est commandant en chef des armées et responsable de la défense extérieure. Il a le droit de grâce. Le chef de l’État est encore "le chef du Gouvernement" et, à ce titre, il détermine et conduit la politique de l’Union des Comores. Il dispose de l’administration de l’Union et exerce le pouvoir réglementaire (article 12). Assisté de deux vice-Présidents, il "nomme les ministres de l’Union et met fin à leurs fonctions". Le Gouvernement doit toutefois être composé de telle manière que soit assurée une "représentation juste et équitable des Iles" (article 16). Afin de respecter le principe de l’égalité entre les entités fédérées, la Constitution prévoit que la présidence de l’Union est "tournante entre les îles". Par ailleurs, le Président et les vice-Présidents sont élus ensemble "au suffrage universel, direct majoritaire à un tour pour un mandat de quatre ans". Certes, ce mandat est renouvelable. Mais il ne peut l’être que "dans le respect de la tournante entre les Iles" (article 13). Le même article précise qu’une élection primaire est organisée dans l’île à laquelle échoit la présidence et que "seuls les trois candidats ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages exprimés peuvent se présenter à l’élection présidentielle".

La Constitution confie en second lieu le pouvoir législatif à une assemblée unique "composée de trente-trois députés élus pour un mandat de cinq ans" et appelée "Assemblée de l’Union" (article 19). La composition du Parlement comorien est complexe en raison du caractère de type fédéral de la Constitution. Dans un système fédéral classique, il y a en principe un Parlement bicaméral, c’est-à-dire un Parlement composé de deux chambres : la première a vocation à représenter des circonscriptions électorales en fonction de leur importance démographique tandis que la seconde représente des États membres sur un pied d’égalité. Cependant, la création d’un Parlement bicaméral a paru être une structure trop lourde pour un pays comme l’archipel des Comores. Ainsi, le fait qu’il n’y a pas de Parlement bicaméral aux Comores peut faire douter, au premier abord, du caractère fédéral de l’Union. Cependant, un système ingénieux a été mis au point pour faire en sorte que son assemblée unique assure à la fois la représentation des États membres sur un pied d’égalité et des circonscriptions électorales en fonction de leur importance démographique. L’Assemblée de l’Union comprend ainsi deux catégories de parlementaires : elle est "composée de représentants désignés par les Assemblées des Iles, à raison de cinq députés par Ile et de 18 représentants élus au suffrage universel direct dans le cadre d’un scrutin majoritaire uninominal à deux tours" (article 20).

Il est par ailleurs stipulé que "le Président de l’Assemblée de l’Union est élu pour la durée de la législature" et que l’initiative des lois appartient concurremment au Président de l’Union et aux députés. Les projets de loi sont délibérés en Conseil des ministres et déposés sur le bureau de l’Assemblée de l’Union. Les députés et le Gouvernement ont le droit d’amendement (article 25). Une spécificité apparaît enfin sur le plan financier. L’Assemblée de l’Union vote les projets de lois de finances à la majorité des 2/3 des membres présents et votants et non à la majorité absolue. Par ailleurs, la Constitution de l’Union des Comores reprend - mutatis mutandis - dans son alinéa 3 les dispositions de l’article 47 de la Constitution française de 1958 quand elle décrète : "Si l’Assemblée de l’Union ne s’est pas prononcée dans un délai de soixante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance" (article 27).

Un régime résolument démocratique

La Charte constitutionnelle de l’Union des Comores établit enfin un régime résolument démocratique, dès lors que son article 28 dispose en termes lapidaires : "Le Pouvoir judiciaire est indépendant du Pouvoir Législatif et du Pouvoir Exécutif". La Constitution de l’Union reconnaît également un principe traditionnel qui existe dans tout État de droit, à savoir le principe de l’inamovibilité des magistrats du siège. À la tête du Pouvoir judiciaire est placée une Cour suprême qui est "la plus haute juridiction de l’Union en matière judiciaire, administrative et des comptes de l’Union et des Iles". L’article 29 de la Constitution de l’Union précise qu’une "loi organique doit fixer la composition ainsi que les règles de fonctionnements de la Cour suprême" (alinéa 2).

Il existe enfin une Cour constitutionnelle qui est "le juge de la constitutionnalité des lois de l’Union et des Iles" (article 31). La Haute Juridiction veille à la régularité des opérations électorales, tant dans les Iles qu’au niveau de l’Union, et elle est juge du contentieux électoral. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et les libertés publiques (alinéa 1er). Elle est enfin "garante de la répartition des compétences entre l’Union et les Iles" et, à ce titre, "elle est chargée de statuer sur les conflits de compétence entre deux ou plusieurs institutions de l’Union, entre l’Union et les Iles et entre les Iles elles-mêmes" (alinéa 2). Quant à sa composition, des précisions sont données par l’article 32 de la Constitution : le Président et les vice-Présidents de l’Union, le Président de l’Assemblée de l’Union ainsi que les chefs des Exécutifs des Iles nomment chacun un membre de la Cour constitutionnelle. Par ailleurs, l’article 33 souligne que les membres de la Cour constitutionnelle ne peuvent être poursuivis "sans l’autorisation de la Haute Juridiction" (alinéa 3). Le même article précise enfin que "le Président de la Cour constitutionnelle est désigné par ses pairs pour un mandat d’une durée de six ans renouvelable" (alinéa 2). Par ailleurs, en vertu de l’article 35 de la Constitution, "les décisions de la Cour constitutionnelle ne sont susceptibles d’aucun recours".

La Constitution de l’Union des Comores a également prévu des dispositions spécifiques concernant sa propre révision. Ces dispositions confirment au besoin son orientation fédéraliste dans la mesure où cette révision implique la participation et l’accord des collectivités fédérées. Ainsi, en vertu de son article 37, l’initiative de la modification de la Constitution appartient concurremment au Président de l’Union et au moins à un tiers des membres de l’Assemblée de l’Union. Pour être adopté, tout projet ou proposition de révision doit par ailleurs être approuvé "par les deux-tiers du nombre total des membres composant l’Assemblée de l’Union ainsi que par les deux tiers du nombre total des membres des Assemblées des Iles ou par la voie du référendum" (alinéa 1er). Il existe cependant une limite : "aucune procédure de révision ne peut être engagée lorsqu’il est porté atteinte à l’unité du territoire et à l’intangibilité des frontières internationalement reconnues de l’Union ainsi qu’à l’autonomie des Iles" (alinéa 2).

Sur un plan plus panoramique, il est permis de classer la jeune Union des Comores dans la catégorie des régimes de type présidentiel, dès lors que la Constitution du 23 décembre 2001 assure une indépendance réciproque des organes constitutionnels et plus exactement une séparation systématique entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Concrètement, le Président de l’Union peut ne pas appliquer les décisions de l’Assemblée des Comores, dont il ne dépend pas pour son élection. Mais il n’a pas la possibilité juridique de prononcer sa dissolution, ni même de l’ajourner temporairement. Inversement, l’Assemblée des Comores et, a fortiori, les assemblées des trois composantes insulaires n’ont pas la possibilité de mettre en cause la responsabilité du Président de l’Union et de le renverser en cas de conflit persistant, comme c’est normalement la règle dans un régime de type parlementaire. Autant dire que le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont obligés de composer pour éviter la paralysie permanente du nouveau système comorien.

Réflexions terminales

L’adoption de la Charte constitutionnelle de l’Union des Comores, le 23 décembre 2001 est une étape majeure dans l’histoire de l’archipel des Comores qui a déjà connu bien des vicissitudes depuis son accession à la pleine souveraineté internationale, le 6 juillet 1975. Elle a notamment le mérite d’avoir mis un terme à la dérive sécessionniste de l’île d’Anjouan qui s’était manifesté au grand jour en 1997. Elle a également et surtout permis par la suite - mais non sans mal - la mise en place progressive de nouvelles institutions fédérales.

Ainsi, après l’élection prévisible du colonel Azali Assoumani au poste de premier Président de l’Union, le 14 avril 2002 (1), les élections générales des 18 et 25 avril 2004 - destinées à élire les membres de l’Assemblée des Comores - ont donné une très large majorité à l’opposition (2) ! C’est dire concrètement que le nouveau système laborieusement mis en place ne peut effectivement fonctionner que dans le cadre d’une cohabitation permanente entre l’Exécutif et le Parlement.

Enfin, à la suite de certaines pressions, l’actuel chef de l’État a déjà fait savoir qu’il respecterait à la lettre la Constitution de l’Union des Comores en ne briguant pas un second mandat présidentiel l’année prochaine. En application du principe d’une "présidence tournante" entre les trois îles et sauf nouvel incident grave imputable au Président Azali, il est donc probable que le prochain chef de l’État soit originaire en 2006 de l’île d’Anjouan comme le souhaitent en fait la plupart des membres du Parlement (3). Dans cette optique, nous devons évidemment rester à l’écoute de l’Union des Comores.

(1) Voir CELLIER (F.), "Élection présidentielle de l’Union des Comores. AZALI élu dans la contestation", Le Quotidien de La Réunion, mardi 16 avril 2002, p. 21.
(2) Voir "Élections législatives aux Comores. Seulement 12 sièges pour le camp d’AZALI", Le Quotidien de La Réunion, jeudi 25 mars 2004, p. 4.
(3)Voir HZK-presse, "Présidentielle aux Comores", Le successeur d’Azali viendra d’Anjouan", “Le Quotidien” de La Réunion, vendredi 03 juin 2005, p. 25.


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