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La citoyenneté dans les collectivités ultramarines de la République française : de l’unité nationale au pluralisme juridique - 2 -
26 octobre 2004
Nous publions aujourd’hui la suite et la fin de l’analyse de la juriste Altide Canton-Fourrat sur le droit outre-mer. Elle examine plus particulièrement les statuts particuliers de la Polynésie Française et de la Nouvelle-Calédonie.
B - La citoyenneté, élément de degré dans la différenciation
La citoyenneté peut s’affirmer avec plus ou moins d’intensité, selon qu’il s’agit d’une citoyenneté différentielle interne (la Polynésie française) dont la manifestation tend vers un pluralisme juridique moderne. Elle peut, par ailleurs, de façon plus radicale, tendre vers une politique autonomiste à mi-parcours d’une citoyenneté nationale temporaire vers une citoyenneté appelée à s’exercer dans un État nouvellement indépendant (la Nouvelle-Calédonie). Une forme plus conviviale est prévue par la constitution dans le cadre du statut personnel.
L’existence de cette multiplicité de sources fait naître un pluralisme de système juridique latent dans les relations entre la France et les collectivités ultramarines. Or le droit étatique, selon la conception moniste qui postule l’existence d’un droit formant un tout homogène se confondant avec l’État, rejette l’idée de pluralisme juridique. Cependant, cette conception ne peut durer puisque la survie de la société française ne dépend que de l’acceptation de la possibilité rationnelle juridique de droit positif (1).
La citoyenneté polynésienne et celle de la Nouvelle-Calédonie méritent particulièrement notre attention puisque ces deux collectivités matérialisent un pluralisme juridique au sein de la nation française.
1 - Le statut local de droit commun : une acceptation rationnelle du droit positif
L’article 75 de la constitution de 1958 reconnaît la particularité du statut personnel au sein de la République. Ainsi, certaines catégories de populations, ressortissant de collectivités ultramarines qui sont des nationaux français peuvent conserver leur statut personnel. La faculté de renonciation est toujours possible.
Ce statut civil personnel se rencontre en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna (2), à Mayotte. L’effectivité du statut civil personnel se traduit de différentes façons.
En Nouvelle-Calédonie, l’existence de deux états civils (de droit commun et statut personnel), la forme des actes de mariage, naissance, adoption, décès..., et la procédure observée différent de l’un à l’autre. À Wallis-et-Futuna, comme en Nouvelle-Calédonie, les règles coutumières, non écrites et variables d’une région à l’autre, régissent le statut civil personnel des personnes qui n’y ont pas renoncé.
La République reconnaît dans son droit positif la propriété privée régie par le droit musulman à Mayotte, la propriété coutumière à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie, les groupements de droit particulier local, le système des indivisions claniques, sur la Grande Terre de Nouvelle-Calédonie, et les communautés d’habitants de la forêt guyanaise. Ici, la constitution prévoit un pluralisme juridique, un espace où les questions du pouvoir et de l’autorité peuvent être débattues et résolues selon un système d’accords préétablis.
À Mayotte, la source du droit des personnes relevant du statut civil personnel est le Coran et le Minhaj, recueil de jurisprudence de rite chaféite composé au XIVème siècle. Dans cette île française, le mariage est célébré devant le cadi et devant l’officier d’état civil. La polygamie y est pratiquée. Et, en matière de mariage, le statut local l’emporte sur le droit commun.
De même, la Cour de cassation (3) retient la compétence de la justice musulmane pour une succession entre Comoriens musulmans. Cependant, le refus des juges d’admettre la pratique du lynchage de la femme convaincue d’adultère (4) est un des exemples de coordination du droit local par l’intervention du pouvoir étatique édicté par des impératifs d’ordre public. La loi de 2001(5) a modernisé le statut local de droit commun, en affectant au cadi un rôle de conseil et de médiation.
La citoyenneté peut s’exercer de façon conviviale et modernisée (la Polynésie Française) ou tout simplement de façon exclusive.
2 - D’une citoyenneté conviviale moderne à une citoyenneté exclusive
La Nouvelle-Calédonie occupe une place spéciale dans la constitution de 1958. Le titre XIII lui est réservé. Dans la marche vers la pleine souveraineté, en Nouvelle-Calédonie, la citoyenneté est exclusive. Elle n’est pas laissée au hasard d’une réglementation républicaine. Contrairement au statut de la Polynésie Française qui suggère une citoyenneté moderne et conviviale, intégrée dans un pluralisme juridique souple.
2-1 - La citoyenneté conviviale polynésienne ou la modernisation du pluralisme juridique
La citoyenneté polynésienne est nourrie d’une réflexion teintée de modernité. La loi organique du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie ne fait pas explicitement une place à part à la citoyenneté polynésienne.
La Polynésie demeure une collectivité territoriale de la République française régie par les dispositions de l’article 74 de la Constitution (6). Cependant, une préférence citoyenne est octroyée, sous certaines conditions, à ses résidents. L’article 18 prévoit la possibilité de prendre des mesures favorisant l’accès aux emplois salariés du secteur public et du secteur privé, sous certaines conditions. Il s’agit d’individus justifiant d’une durée suffisante de résidence sur le territoire ou de personnes justifiant d’une durée suffisante de mariage, de concubinage ou de pacte civil de solidarité avec ces dernières.
Par ailleurs, cette préférence citoyenne a été confirmée, aux termes de l’article 19 de la loi organique, en matière de propriété foncière. En effet, la Polynésie Française peut subordonner à déclaration les transferts entre vifs de propriétés foncières situées sur son territoire ou de droits sociaux afférents, à l’exception des donations en ligne directe ou collatérale jusqu’au quatrième degré.
Une loi du pays fixe les modalités d’application de l’article 19 conformément à l’article 140. Le Conseil constitutionnel (7) admet la validité de ces dispositions qui ne remettent pas en cause le principe unitaire de la République. La mise en œuvre de cette préférence citoyenne se fera conformément à l’article 140, par le vote d’une "loi du pays" dont le contrôle est soumis au Conseil d’État.
Si la loi ne fait pas mention de la "citoyenneté polynésienne", elle permet à la collectivité de prendre en faveur de sa population, des mesures favorisant l’emploi local et la protection du patrimoine foncier. La population s’entend de tous ceux qui vivent sur un territoire, par opposition au peuple. Le lieu de naissance, la durée de résidence (même assortie d’une condition de durée) peuvent être pris en compte pour établir une catégorie de populations. Il s’agit bien d’une citoyenneté catégorielle qui reçoit la préférence locale. La République reconnaît en son sein un droit particulier, destiné à un groupe qui reçoit la protection spéciale locale en faveur de l’emploi et la propriété foncière.
Il s’agit d’un pluralisme convivial, moderne, tendant à l’intégration d’un groupe au sein de la République tout en protégeant sa spécificité locale. Cette citoyenneté modernisée se greffe sur la citoyenneté française dont la nationalité est le socle. Elle ne constitue pas une rupture dans l’évolution du droit positif (8) mais tout simplement une évolution vers l’enrichissement du régime unitaire qui ne se veut plus rigidifié mais modernisé, ouvert aux nouvelles valeurs de la République.
2-2 - La Citoyenneté exclusive : la Nouvelle-Calédonie
L’accord de Nouméa constitutionnalisé par la loi du 20 juillet 1998 (9) a institué l’existence d’un droit préférentiel au profit des Calédoniens en contradiction avec le principe général d’égalité citoyenne, base de la République unitaire. L’un des principes de l’accord politique est la reconnaissance d’une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie.
La loi organique du 19 mars 1999 fixe le contenu de cette citoyenneté ainsi que ses conditions d’exercice. L’article 4 dispose qu’il est institué une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie dont bénéficient les personnes de nationalité française qui remplissent les conditions fixées à l’article 188. Ces conditions sont les suivantes : être de nationalité française, avoir résidé dix ans au moins en Nouvelle-Calédonie.
Les conséquences de cette situation légitimée sont la limitation de l’accès à la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie aux citoyens français n’ayant pas rempli les conditions sus mentionnées. Par ailleurs, la préservation de l’emploi local constitue une des conséquences de ladite citoyenneté. Le droit de vote local est réservé aux seuls citoyens français de la Nouvelle-Calédonie. Il existe, par conséquent, deux degrés dans la citoyenneté française.
Celle qui est générale et celle, spéciale, qui réunit les critères de la citoyenneté générale à laquelle s’additionnent les spécificités locales. Le droit de vote est ici conditionné aux spécificités culturelles, sociales, politiques, juridiques de la collectivité en question.
Par conséquent, à l’intérieur de la nation, force est de reconnaître qu’il existe un droit de groupe, le droit de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie qui opère une césure au cœur de l’État-nation. De fait, le pluralisme culturel existe au sein de la nation française. De droit, un pluralisme juridique, un droit de groupe spécifique à la Nouvelle-Calédonie et constitutionnalisé existe au sein de l’État unitaire français. Ne sommes-nous donc pas dans une logique d’État fédéré ?
Lorsque nous observons l’articulation juridique des collectivités ultramarines, particulièrement, la gestion de la citoyenneté, une remarque nous paraît pertinente. La loi formelle, œuvre étatique, n’est pas la seule source du droit qui leur est applicable. D’autres sources informelles prennent une place prépondérante au sein de l’appareil juridique local. Les coutumes ont un impact direct eu égard aux impératifs en présence. Le droit étatique se doit de coordonner l’ensemble, légitimer l’application. Le droit, dans son acception propre, évolue sous une forme nouvelle. Il tient compte de la diversité des sources. Cette pluralité des sources tient lieu d’un pluralisme juridique.
La modernisation du droit des collectivités ultramarines progresse dans le sens d’un pluralisme, un droit, fait universel dépendant de l’évolution des sociétés. Ce droit, selon Lévy-Bruhl, émane du groupe social. Il est l’expression de ses rapports sociaux. Le droit positif s’imprègne des droits traditionnels. Les collectivités ultramarines présentent les difficultés qu’offrent l’avantage de la diversité. Devant la diversité culturelle, sociale, politique, le pluralisme juridique est une réponse à l’exercice effectif des droits en présence, particulièrement le droit de groupe. Le pluralisme trouve sa place dans la république unitaire.
Altide Canton-Fourrat
(Fin)
(1) Carbonnier - Flexible droit
(2) Confirmation de la validité d’un mariage entre ressortissants wallisiens célébré conformément à la coutume wallisienne par le tribunal de Nouméa du 11 juin 1990 aff. Veuve Siuli Maleta, N° 930/90
(3) Cass. 1re civ., 20 mars 2001, n° 99-10.047 et 99-13.252,
(4) Jurisprudence Mayotte femme adultère - Refus de la cour de cassation de la mise à mort d’une femme adultère tel qu’il est prévu par le droit local.
(5) Loi n° 2001-616 du 11 juillet 2001 relative à Mayotte - dans le sens du rapprochement de la situation sociale des Mahorais de celle des métropolitains, dans la perspective de la transformation de la collectivité départementale de Mayotte en département ultramarin.
(6) Révision constitutionnelle du 23 mars 2003.
(7) Décision n°2004-490 DC du 12 février 2004 : "la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale... Son organisation est décentralisée..." ; que, conformément au premier alinéa de l’article 72-3 de la constitution, "la République reconnaît, au sein du peuple français, les populations d’outre-mer, dans un idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité" ... ; qu’en vertu du dixième alinéa de l’article 74, la loi organique peut déterminer, pour les collectivités d’outre-mer qui sont dotées de l’autonomie, les conditions dans lesquelles "des mesures justifiées par les nécessités locales peuvent être prises par la collectivité en faveur de sa population, en matière d’accès à l’emploi, de droit d’établissement pour l’exercice d’une activité professionnelle ou de protection du patrimoine foncier".
(8) G. Flosse - la Citoyenneté du pays - l’exemple de la Polynésie - Identité nationalité citoyenneté outre-mer - CHEAAM - dir. Faberon et Gauthier
(9) Accord de Nouméa du 5 mai 1998 prévoyant une très large autonomie de la Nouvelle-Calédonie, a nécessité une réforme de la Constitution de 1958, la création de deux articles, les articles 76 et 77 composant un nouveau titre XIII "Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie". L’article 76 prévoit que "les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l’accord".
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