Lutte contre le mal-logement

Des actions innovantes en manque de soutien

31 mai 2008, par Edith Poulbassia

Le mal-logement touche de plein fouet La Réunion. Dire qu’on ne fait rien pour aider la population serait exagéré, mais on n’en fait vraiment pas assez. Pourtant, les actions innovantes ne manquent pas : agence immobilière à vocation sociale, réseau d’accueil familial temporaire ou encore accompagnement à l’auto-réhabilitation des logements. Problème, les acteurs sociaux motivés peinent à obtenir un soutien politique durable et à dépasser le cap de l’expérimentation.

La Fondation Abbé Pierre a présenté hier son rapport annuel sur le mal-logement en France, et donc à La Réunion, avec la participation de son délégué général Patrick Doutreligne. Mais l’association ne s’est pas contentée de dresser un bilan de la situation. Elle a invité d’autres associations à venir présenter les actions menées, pour y remédier. La complexité du mal-logement doit en effet inciter à une réflexion sur la diversité des actions et les nouvelles solutions à proposer. Trois actions innovantes ont été présentées : le fonctionnement d’une Agence Immobilière à Vocation Sociale (AIVS), un projet pilote de réseau d’accueil familial temporaire mis en place par l’AREP et un programme d’auto-réhabilitation entrepris par la Fondation Abbé Pierre et les Compagnons bâtisseurs.

L’agence Soleil existe depuis deux ans. Elle travaille avec le Conseil général. Cette agence immobilière à vocation sociale est une première dans l’île, alors que ce genre d’agence existe depuis 20 ans en Métropole. Son rôle, favoriser la location de logements privés vacants aux familles à faibles revenus. Seuls les travailleurs sociaux peuvent solliciter l’agence. L’agence Soleil a relogé 108 familles, essentiellement des femmes victimes de violence, et des personnes handicapées. Sur 110 logements qu’elle a réussi à obtenir, 40 sont en défiscalisation. Pour Fabienne Masquard, directrice de l’agence, il faut convaincre les propriétaires à se tourner vers le social. Ce qui n’est pas impossible. « Nous proposons à la famille une étude se son projet. Avec l’aide au logement, la moitié, voire les deux tiers du loyer, est payé. C’est une sécurité pour le locataire. Le propriétaire a la garantie de 18 mois de loyer payés et une fidélisation du locataire. Ce qui est avantageux pour les logements en défiscalisation ».

Pour le public qui se retrouve sans logement ou dans un habitat insalubre, l’AREP propose un réseau d’accueil familial temporaire. Le principe est simple : l’association forme des accueillants familiaux à recevoir les personnes sans logement, souvent en rupture familiale et sociale. Ce projet pilote financé par le programme européen Equal allie ainsi insertion professionnelle et aide à la personne. Cette action est expérimentée dans l’Ouest pour le moment. 77 personnes ont bénéficié de cet accueil temporaire, et 7 familles d’accueil ont été formées en 2 ans. L’AREP espère élargir le cercle des familles d’accueil à 10 cette année, et à 20 en 2009. Mais l’inquiétude gagne l’association. « Les Fonds européens sont gelés et nous n’avons aucun relais dans les collectivités locales. Voilà comment démobiliser les forces vives de l’action sociale », affirme Stéphane Nicaise, président de l’AREP.

Hélène Verguin, de l’association DVH, et Jean-Marie Tabriel, président des Compagnons Bâtisseurs.
(photo E.P.)

Plus de 21.000 logements sont insalubres ou indécents à La Réunion. Ces chiffres vont s’alourdir, car faute d’entretien et de finition, les logements se dégradent. La Fondation Abbé Pierre a commencé dans le quartier de Saint-Bernard, à Saint-Denis, un accompagnement à l’auto-réhabilitation des logements. 300 foyers ont bénéficié de l’amélioration de leur habitat depuis 2004. La Fondation est rejointe cette année par les Compagnons Bâtisseurs. Elle existe depuis 50 ans en Métropole. Jean-Marie Tabriel, son président, est dans l’île pour proposer au Conseil général et aux communes un accompagnement à l’auto-réhabilitation. Il s’agit d’apporter une aide technique en construction aux personnes pour rénover les logements. « Une auto-réhabiliation encadrée », qui va en même temps permettre de former des personnes. Hélène Verguin, de l’association DVH, prendra le relais de l’association en attendant une implantation régionale dans quelques mois. Aux collectivités de montrer leur motivation.

Edith Poulbassia


• Jeanine Gedeas, adjointe déléguée au Logement à Saint-Louis

« On doit faire des choix de priorité dans les priorités »

La Mairie de Saint-Louis croule sous les demandes de logements. Ce sont pas moins de 3.000 ménages qui ont déposé un dossier. Certains dossiers dateraient même d’une dizaine d’années. Jeanine Gedeas, adjointe au Logement, dit recevoir chaque semaine 20 à 30 personnes, tous des cas prioritaires, à son sens, si l’on considère la situation familiale, sociale, professionnelle des ménages. « On doit faire des choix de priorité dans les priorités », affirme l’adjointe. Elle réfléchie actuellement à la possibilité de se saisir du droit au logement opposable. Près de 1.000 dossiers pourraient être transmis à la commission. Mais comment procéder ? C’est en partie pour s’informer sur le droit au logement opposable que Jeanine Gedeas a fait le déplacement. « Je suis prête à mettre à disposition deux personnes à la mairie pour remplir les dossiers », souligne-t-elle, consciente que le public concerné n’est pas toujours en mesure de constituer seul les dossiers. Cependant, Jeanine Gedeas ajoute que le vrai problème pour sa commune reste le foncier. « Nous ne disposons que de 2,5 hectares pour 3.000 demandes. Où va-t-on bâtir ? ».

• Huguette Bello, député-maire de Saint-Paul

« Nous devons plaider pour que le logement social soit le fer de lance du développement durable »

« Plus les besoins sont élevés, moins on construit de logements sociaux. C’est une situation intenable qui ne relève pas du hasard ou de la fatalité ». Huguette Bello a rappelé que la situation du logement ne s’améliorera pas sans une réelle volonté politique. Comment expliquer que La Réunion reste à l’écart des mesures nationales, comment expliquer la baisse de la LBU ? Sur la défiscalisation, la député-maire estime que c’est une « réponse possible », mais qu’il faut rester vigilant pour que ce dispositif ne se substitue pas à la LBU. « Il n’y a aucune raison pour qu’à La Réunion et en outre-mer, le logement social soit financé par un dispositif du logement privé ».
Elle a insisté sur le changement de mentalité nécessaire concernant le logement social, ce qui explique la difficulté d’appliquer la loi SRU. « Nous devons plaider constamment pour que le logement social soit le fer de lance du développement durable », a-t-elle conclu.

EP


Le droit au logement opposable est un moyen de pression

Depuis l’application du droit au logement opposable cette année, la commission a reçu très peu de dossiers : 50 au cours du premier trimestre, alors qu’on estime entre 20.000 et 30.000 le nombre de personnes en droit de saisir la commission (sans abri, logement sur-rocupé, insalubrité, expulsion, enfant handicapé, etc...). En Métropole, ce sont 17.000 demandes qui ont été déposées. Ce n’est pas mieux. Comment expliquer cette faible mobilisation ? Les personnes ne connaissent pas encore cette loi. Et les formulaires à remplir peuvent être un obstacle pour ce public prioritaire. Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, conseille cependant à la population de se saisir de cette loi, car « la force de la loi Dalo est d’objectiviser les droits ». Autrement dit, plus on sera nombreux à réclamer, plus la pression exercée sur le gouvernement sera forte. La commission dispose de deux mois pour déterminer le caractère prioritaire ou non d’un dossier. Si la demande est recevable, le préfet est dans l’obligation de proposer un logement dans un délais de 6 mois. La Fondation Abbé Pierre fait d’ailleurs appel à des bénévoles pour aider les ménages à remplir les formulaires.

EP


Repères

Au 1er janvier 2008, La Réunion compte 50.937 logements sociaux, soit 20% du parc de logements. Par micro-région, les logements sociaux représentent 29% des habitations de la CINOR, 20% pour le TCO (Le Port), 19% pour la CIREST et 14% pour la CIVIS.

Le rythme de livraison des logements sociaux s’est effondré : on est passé de 2.500 logements livrés par an de 1995 à 1999, à 1.500 logements de 2000 à 2004, 1.000 en 2005 et 2006, 900 en 2007. L’ARMOS prévoit 1.300 à 1.400 logements sociaux pour 2008. Mais cela reste bien insuffisant. Il en faudrait plus de 3.000 logements très sociaux.

Les demandes : 29.000 ménages attendent un logement social, soit 12% des ménages de l’île. Il faudrait 57% du parc social existant pour les loger. Ce qui est impossible, d’autant plus que très peu de logements sont libérés. Le taux de rotation en 2007 est faible, il est de 8,6%. Ces ménages en attente correspondent à des personnes seules ou en couple (54% des demandes) de moins de 35 ans. Seulement 18% de la demande est satisfaite. En 2005, 5.500 logements ont été attribués, en 2007, 5.200, alors que la demande est croissante.

Depuis 2000, l’île compte 21.379 logements dégradés contre 12.193 dix ans auparavant. Plus de 60% de ces logements étaient en très mauvais état. Sur une base de 4 personnes par ménage, cela représente près de 85.000 personnes, 10,8% de la population réunionnaise.

Le financement du logement social n’a cessé de diminuer. La Ligne Budgétaire Unique (LBU) est passée de 105 millions d’euros dans les années 1990 à 80 millions en 2006 et 2007, et 70 millions en 2008. Pendant ce temps, le marché du logement connaît une forte pression immobilière et foncière. Depuis 5 ans, les prix d’appartements ou de maisons, que ce soit du neuf ou de l’ancien, ont connu une hausse : 80% pour les maisons et 60% pour les appartements. L’indice du coût de la vie a progressé de 10%.

L’EPFR (Etablissement Public Foncier de La Réunion) recense les terrains pour les communes, et les achètent. Elle dispose de 40 millions d’euros pour acquérir du foncier. Depuis 5 ans, l’EPFR a récupéré 150 hectares de terrain (22 millions d’euros) dont un quart servira au logement social. Il faut maintenant trouver les moyens d’aménager le foncier dans des délais raisonnables pour la construction.

EP

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