Pour impulser une politique nouvelle de l’habitat à La Réunion

La défiscalisation doit venir s’ajouter à la LBU

25 juillet 2007, par Alain Dreneau

On sait que le droit au logement des Réunionnais est malheureusement loin d’être respecté. “Impasse”, “faillite du logement social” : nul ne nie aujourd’hui la crise. L’heure est maintenant au passage à l’acte, afin d’édifier, sur les décombres de cette crise sans précédent, une politique de l’habitat outre-mer. Les orientations et les mesures qui vont être prises seront lourdes de conséquences si l’on ne va pas dans ce sens. Or certaines des perspectives qui s’entrecroisent aujourd’hui dans les cabinets ministériels ne sont pas rassurantes. Il faut donc dès à présent réaffirmer avec force la primauté d’un financement pluriannuel garanti de la part de l’État, dont c’est la responsabilité. Autrement dit, l’idée de trouver une source de financement dans une défiscalisation réaménagée ne doit en aucun cas déboucher sur une amputation de la LBU (Ligne Budgétaire Unique). Le mot d’ordre doit être “LBU et défiscalisation”, afin d’élever la production à la hauteur des besoins immenses des populations des D.O.M..

Après la Conférence Nationale du logement outre-mer en février dernier, puis le vote de la Loi sur le droit au logement opposable en mars, enfin la tenue en juin à Paris de groupes “techniques” de travail interministériels, où en est-on aujourd’hui dans les D.O.M. sur le plan du logement ?

Une filière en panne

Première constatation à partir du Conseil Départemental de l’Habitat (CDH) du 13 juillet dernier : à La Réunion, la crise du logement social continue à s’approfondir (1). Il n’est pour s’en convaincre qu’à observer le nombre de logements perdus entre la programmation 2007 fixée au CDH de décembre 2006 et celle revue à la baisse six mois plus tard : de 3.678 logements neufs, on est tombé à 2.802.
La dure réalité est là : difficulté souvent insurmontable à boucler les programmes, un quart des projets ne sortent pas quand ils sont “au pied du mur”, filière en panne. Et le diagnostic devient dramatique quand on rapproche les livraisons effectives annuelles des objectifs pourtant minimaux : elles sont plus près du tiers que de la moitié de ces objectifs (1).
Cette réalité en forme d’impasse totale semble avoir quand même - avec beaucoup de retard - fait son chemin dans les groupes de travail interministériels qui ont suivi la Conférence Nationale du logement outre-mer. En premier lieu, est reconnu désormais le “décrochage” entre les paramètres de financement de la LBU d’une part, et les coûts de la construction et de l’aménagement d’autre part. De ce fait, l’insuffisance du montant de la subvention interdit à bon nombre d’opérations de voir le jour. Comme nous l’avons déjà écrit (2), « c’est le carburant mis dans le moteur de la filière logement qui n’est plus capable de le faire tourner ».

Revoir les subventions des opérations

Des études de simulation pour revoir les taux de subvention sont en cours. L’ensemble des acteurs attend avec grande impatience la concrétisation de ces mesures financières dans l’espoir qu’elles rétablissent la faisabilité des opérations. En particulier des opérations de logements collectifs de moins de 40 logements ainsi que des logements locatifs individuels, qui sont devenus irréalisables avec les paramètres actuels.
Cette revalorisation attendue des subventions est la première des mesures de relance du logement dans les DOM. Mais elle ne peut constituer qu’un volet de tout un éventail de décisions à prendre pour édifier une véritable politique de l’habitat outre-mer.

La défiscalisation pour du logement social, oui...

Et le socle d’une telle politique, c’est bien évidemment le “nerf de la guerre” : les enveloppes financières.
Sur ce terrain aussi, la réflexion est en cours. Elle concerne la source de financement que pourrait constituer la défiscalisation. Une défiscalisation qui serait réorientée vers le logement social. Suite à l’“audit de modernisation” sur la politique du logement social outre-mer, rédigé en 2006 par un groupe de hauts fonctionnaires de l’État, la défiscalisation était apparue comme une solution quelque peu “miracle” pour relever les défis du logement social (3).
Le discours aujourd’hui est plus nuancé. On s’est aperçu que dans le cadre législatif et réglementaire actuel, une telle réorientation de la “défisc” constituerait un dispositif dérogatoire et ne serait pas si simple à mettre en place dans la pratique. Il convient donc de travailler à concilier les deux cadres, celui de la défiscalisation et celui du logement social.
Cela dit, l’idée avance. Il faut dire que la défiscalisation telle qu’elle se poursuit aujourd’hui est à bout de souffle : les loyers pratiqués, vu l’engorgement du marché, ne sont plus à la hauteur des prévisions des investisseurs, et les ventes vont connaître de sérieux “trous d’air”. S’épuisant d’elle-même par l’effet de ses propres contradictions, et épuisant dans le même temps le potentiel foncier de La Réunion, la défiscalisation est donc appelée à venir à la rescousse du logement social.

... mais pas aux dépens de la LBU

Mais des enjeux importants se cachent derrière cette reconversion. La défiscalisation nouvelle version doit être conçue comme un financement venant en appoint de la LBU. Une LBU qui doit absolument rester la base intangible du financement du logement outre-mer, et qu’il faudra consolider.
En aucun cas, la défiscalisation ne pourrait être mobilisée aux dépens de la LBU. Il est en effet impensable que les crédits du logement outre-mer dépendent en fait du bon vouloir d’investisseurs privés, dont les choix s’opèrent, en toute logique libérale, en fonction des gains escomptés.
Or, dans certains ministères, la tentation de diminuer les financements publics de l’habitat social n’est pas absente. Qu’elle procède d’une analyse à courte vue, d’un réflexe idéologique libéral, ou d’un souci abusif de vouloir faire des économies sur le dos du développement des D.O.M, cette menace doit être écartée par une réaction unanime des acteurs du logement, dont, en première ligne, les élus de La Réunion.
Cette position de principe est d’autant plus justifiée que la loi de cohésion sociale de janvier 2005, dite loi Borloo, n’a toujours pas été appliquée dans les D.O.M. en ce qui concerne la budgétisation d’engagements pluriannuels sur la période 2005-2009 dans le but de relancer le logement social en France... hexagonale. La fameuse “lisibilité” reconnue comme nécessaire en Île-de-France ou dans la région lyonnaise est oubliée à La Réunion. Jouer dans ces conditions la défiscalisation contre la LBU serait revenir plus de vingt ans en arrière.
Une défiscalisation adaptée pour mettre cette ressource - complémentaire à une LBU renforcée - au service d’une politique globale de l’habitat : c’est dans ce sens que doivent aller les décisions qui vont être prises.

Alain Dreneau

(1) Voir l’article “Bilan insuffisant et perspectives contraintes” dans “Témoignages” du 19 juillet 2007.
(2) Depuis 2001, le nombre de logements neufs livrés annuellement a oscillé entre 2.100 et 2.400. Les objectifs communément retenus dépassent les 6.000 logements neufs annuels financés par la LBU.
(3) Voir notre dossier “Spécial Logement social” dans “Témoignages” du 13 mars 2007 (page 5).
(4) Voir l’article “Chronique d’un désengagement annoncé” dans “Témoignages” du 13-14 mai 2006.


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